Question. J’ai réalisé un investissement immobilier outre-mer qui actuellement est remis en cause par le fisc. Au moment de cet investissement j’avais eu un avis du Cridon à mon notaire qui me dit aujourd’hui qu’il est couvert et qu’il n’a aucune responsabilité. Est-il vraiment exacte que je ne puisse pas me retourner contre l’étude du notaire ?
Réponse. Le devoir de conseil est un devoir absolu que le notaire doit à ses clients, quelles que soient leurs compétences juridiques, même s’il ne fait que leur redire ce qu’ils savent déjà ou devraient savoir.
La Cour de cassation de façon systématique au notaire le droit d’invoquer les informations fournies aux parties par un tiers spécialisé et compétent.
Ce fut le cas dans une affaire où deux époux avaient confié à un notaire la réalisation d’une opération immobilière.
Le régime fiscal de celle-ci se révélant délicat à déterminer, l’officier public avait demandé une consultation au CRIDON (Centre de Recherche, d’Information et de Documentation Notariale), consultation qu’il transmit à ses clients avant d’établir son acte.
Estimant par la suite ne pas avoir été suffisamment informés sur les incidences fiscales de l’opération, les époux agirent en responsabilité contre le notaire.
Contrairement à l’opinion des premiers juges, la Cour de cassation fit droit à leur demande dans un attendu très explicite : "... les informations ou avis donnés par des tiers ne sauraient dispenser le notaire de son devoir de conseil qui n’a pas un caractère relatif..." (Cass. 1re civ., 26 oct. 2004, pourvoi n° 06-16358).
Le CRIDON est un tiers, au surplus non qualifié comme n’étant pas dans le périmètre du droit.
Pour aller plus loin sur le sujet, cet arrêt de la Cour d’Aix :
Une société civile immobilière (SCI) a acquis un terrain compris dans un lotissement, afin d’y construire vingt logements destinés à l’habitation. Son notaire a accepté de passer des actes de ventes en l’état futur d’achèvement des biens objets de l’opération immobilière, malgré l’existence, dans le cahier des charges du lotissement, d’une clause de destination des lots qui imposait la construction de villas individuelles. La SCI s’est trouvée contrainte d’arrêter les travaux. Les actes notariés font référence au recours contre le permis de construire, la controverse sur la valeur contractuelle du cahier des charges n’est pas notée. Le permis de construire n’a pas été annulé mais une valeur contractuelle a été reconnue au cahier des charges. La cour a donc été amenée à rechercher si le notaire a commis une erreur de droit en considérant que les stipulations du cahier des charges étaient caduques et s’il a manqué à son devoir de conseil et de prudence. La troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 20 décembre 1989, confirmant une jurisprudence antérieure, avait considéré que les stipulations du cahier des charges d’un lotissement s’imposent aux co-lotis et aux acquéreurs de lots, même dans le silence des actes de vente. Un article de doctrine, paru également antérieurement à la conclusion des actes signalait d’ailleurs la difficulté. L’existence d’une controverse aurait dû inciter le notaire à la plus extrême prudence. Il aurait dû refuser de passer les actes ou au mimimum, y mentionner clairement cette difficulté et s’en faire donner décharge. La responsabilité professionnelle du notaire a été engagée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil et retenue par la Cour.
En revanche, les victimes de l’erreur du notaire ne sauraient rechercher la responsabilité du Centre de recherche, d’information et de documentation notariales (CRIDON) sur le fondement de l’article 1382 du Code civil au motif que cette erreur a été provoquée par un avis de ce centre. En effet, cet organisme ne donne qu’un avis, que le notaire qui l’a sollicité est libre de suivre ou non. C’est sur lui, et non sur le CRIDON, que pèsent les devoirs d’information, de conseil, de prudence et de rigueur. C’est lui, et non le CRIDON, qui doit assurer l’efficacité de l’acte. Peu importe le caractère onéreux de l’avis donné par le CRIDON. Enfin, les victimes de l’erreur du notaire ne peuvent lui demander de les indemniser du chef de l’astreinte qu’elles ont dû verser pour n’avoir pas exécuté la décision ordonnant la démolition des constructions car c’est à elle seule qu’il appartenait d’exécuter cette décision.
CA Aix-en-Provence, Ch. 1, sect. D, 19 mai 2005 (N° R.G. 01/04853)